mercredi, mars 01, 2006

Les aventures de la philosophie au pays des pédés

Les fabuleuses histoires de Tata Prout
LES AVENTURES DE LA PHILOSOPHIE
AU PAYS DES PEDES

PREMIER EPISODE
SUPER MICHEL ET LES HERMAPHRODITES

Michel Foucault est déjà un iconoclaste au pays de la philosophie quand est publié en 1976 La Volonté de savoir. Ce premier tome de L’Histoire de la sexualité est un avant-goût de ce que nous propose Super Michel par la suite: Super Michel, philosophe du SM et du fist fucking; Super Michel, philosophe des résistanceS et grand-père du queer (c’est un peu Papy fait de la résistance...); Super Michel, un fucking saint d’après David Halperin; Super Michel, quoi!!...
Mais aujourd’hui mes agneaux je vous conterai les fantastiques aventures de Super Michel chez les hermaphrodites.
En 1978, Super Michel poursuit ses enquêtes autour de la «sexualité» et présente les mémoires d’unE hermaphrodite de la moitié du XIX ème siècle: Herculine Barbin dite Alexina B (publié chez Gallimard dans la collection Les Vies parallèles, projet inabouti de Super Michel). Alors oui Herculine Barbin, c’est pas un nom, me direz-vous; c’est normal qu’avec un nom pareil elle aie des problèmes dans la vie... Si si je vous entends d’ici...
Super Michel, dans Le vrai sexe (intro à l’édition américaine, reprise dans Arcadie en 1980), explique que le cas d’Alexina est particulier car il se trouve à un moment de glissement entre deux formes de réactions (à la fois populaire et médicale) face aux hermaphrodites. Au Moyen-Age, les hermaphrodites sont considérés comme des monstres comportant les caractéristiques des deux sexes; ils devaient donc choisir un sexe à l’âge adulte et le garder toute la vie. A partir du XVIIIème siècle, les hermaphrodites ne sont plus considérés que comme des «pseudo-hermaphrodites»; ce sont en quelque sorte des «dissimulateurs»: ils cachent leur véritable nature, leur vraie identité en dissimulant leur «vrai sexe». On n’admet pas qu’un individu puisse avoir deux «sexes», il doit nécessairement avoir un seul sexe, le bon.
Et là Super Michel attaque: nous sommes encore aujourd’hui dans un dispositif similaire. Non seulement il s’agit de savoir quel est le «vrai sexe» de chacun, mais encore de découvrir «au fond du sexe, la vérité» de l’individu, l’identité profonde de chacun. Super Michel vise ici directement la psychanalyse de papa et tous les psy-trucs fleurissants qui cherchent à tout prix à faire avouer son «sexe» et sa «sexualité» au patient. Au XXème siècle, ne pas avoir de «vrai sexe», avoir un «sexe ambigu», être attiré par des personnes du «même sexe» est toujours un problème de vérité et d’identité avec un fort enjeu moral et politique: «réveillez-vous, jeunes gens, de vos jouissances illusoires; dépouillez vos déguisements et rappelez-vous que vous avez un sexe, un vrai.» Quel blagueur ce Michel!!
Super Michel est quand même très fort: avec sa vision kryptonite, il analyse la situation et frappe là où ça fait mal: ce que la société exige de nous, c’est «une correspondance rigoureuse entre le sexe anatomique, le sexe juridique, le sexe social.» Et pan! dans les dents!! Le récit d’Alexina est particulièrement intéressant car dans la façon dont il/elle écrit ses mémoires, on perçoit que ce que certains jugent comme une irrégularité, voire un fait anormal, est vécu comme une évidence: l’identité d’Alexina est floue, elle n’est pas scotchée à son «sexe». On voit bien comment peu à peu une nature, un «vrai sexe» est construit. La nature n’est pas un donné, mais bien une construction culturelle, sociale, juridique, médicale...: «il n’existe pas de vrai sexe.» La nature n’est que peu naturelle; elle est élaborée comme une norme. Ce processus de normalisation exclue puis enveloppe les irrégularités: finalement, ce qui est de l’ordre de la différence est réduit à cette norme unifiante.
A cet égard le dossier qui accompagne les mémoires d’Alexina est particulièrement révélateur: on y voit ce processus à l’oeuvre. Finalement ce qui était un mystère s’éclaire tout simplement: «la jeune fille était tout simplement un jeune homme.» Ah ben oui, tout de suite comme ça c’est beaucoup plus simple!!!!!!! il s’agissait juste d’une petite «erreur». Alexina est ainsi renduE «à son véritable sexe.» Et voilà!
Le cas d’Alexina et son analyse par Super Michel font écho encore aujourd’hui: on demeure dans un dispositif de «chasse à l’identité» alors qu’on sait qu’un nombre non négligeable de personnes naissent intersexuées. Encore aujourd’hui, on impose un «sexe» et un seul vrai à ses personnes en les opérant dès la naissance. Sans parler des transsexuels, transgenres et autres...
Ne pourrait-on pas détacher l’identité du «sexe» et de la «sexualité», faire proliférer les uns et les autres, tantôt en connexion, tantôt en disjonction??? Pourquoi pas de multiples possibilités d’être, des variations incessantes, des jeux d’identités??? Pourquoi toujours penser en termes d’orientation sexuelle ou de «choix d’objet sexuel» et pas aussi en termes de pratiques sexuelles et de plaisirs??? Super Michel ne nous dit pas que c’est forcément mieux autrement, mais qu’il y a des possibilités ouvertes, différentes, créatrices. Alexina est une de ces possibilités: dans la nouvelle inspirée par ses mémoires, «elle n’est rien d’autre, elle le garçon-fille, le masculin-féminin jamais éternel, que ce qui passe, le soir, dans les rêves, les désirs, et les peurs de chacun. Panizza [l’auteur de la nouvelle] n’a voulu en faire qu’une figure d’ombre sans identité et sans nom, qui s’évanouit à la fin du récit sans laisser de trace.» Pfffftt...
Il semble cependant difficile d’échapper totalement à la construction d’une identité; il s’agit plutôt de savoir comment brouiller les codes établis d’une identité normée et imposée de l’extérieur et se fabriquer sa propre façon d’expérimenter les identités: comment troubler et jouer avec et entre ces identités? La prochaine fois donc, si vous êtes sages, je vous raconterai comment Super Michel envisage de se sortir des griffes de la norme gluante... Quel programme!! En attendant faites de beaux rêves...


La biblio de Tata Prout:
Herculine Barbin dite Alexina B, Gallimard, 1978.
Dans les Dits et écrits de Foucault: les textes 237 (Le mystérieux hermaphrodite, 1978) et 287 (Le vrai sexe, 1980).

Le mythe de Narcisse et le narcissime ou comment devenir pédéraste

Pour commencer, il faut vous narrer l'histoire de Narcisse, fils de Céphise et de la nymphe Liriopé, qui reçoit à sa naissance le don d'être aimé des nymphes.
Sa mère, soucieuse de son bonheur, va consulter l'oracle Tirésias, qui lui révèle que son fils ne vivra une longue vie que s'il ne se connaît pas. Narcisse grandit et devient un jeune homme magnifique, dont tous, nymphes comme éphèbes, tombent amoureux. Mais Narcisse est aussi dédaigneux que beau et repousse leurs avances. Il délaisse peu à peu ses compagnons, dont il ne comprend pas les désirs.
Echo, la nymphe qui ne peut parler qu'en répétant les paroles d'autrui, tente, elle aussi, de le séduire et rejetée, se consume d'amour jusqu'à n'être plus que la voix sans corps que nous connaissons. Une autre nymphe, elle aussi éconduite, souhaite que le bel enfant, à son tour, se consume d'amour pour un objet inaccessible. Son souhait est exaucé quand Narcisse, altéré par une longue chasse, voit son reflet dans le lac où il veut étancher sa soif. Il s'éprend alors de ce beau jeune homme mais, lorsqu'il veut l'étreindre, l'autre –son reflet-, s'éloigne. Narcisse voit pourtant qu'il n'est pas insensible, puisque à ses larmes répondent les larmes de l'image aimée, que les mots d'amour qu'il murmure lui sont renvoyés, mais lorsqu'il veut embrasser son amant, celui-ci disparaît. Narcisse comprend que celui qu'il aime n'est autre que lui-même, et souhaiterait n'être plus lui-même pour ne plus être l'autre.
Désespéré par cet amour impossible, il se frappe la poitrine et se lamente. Lorsqu'une de ses larmes tombent dans le lac et brouille le reflet aimé, il se couche dans l'herbe et se laisse mourir. L'on dit qu'aux Enfers, Narcisse se regardait encore dans les eaux du Styx. Lorsque les nymphes voulurent porter le corps sur le bûcher funèbre, elles ne trouvèrent qu'un narcisse.

Pourquoi cela nous intéresse-t-il ? Parce que c'est à partir de ce mythe que Freud fonde sa théorie du narcissisme, stade auquel est censée se jouer l'homosexualité. Ainsi, Freud distingue plusieurs stades dans la construction du désir. Notre libido est dans un premier temps tournée vers nous-même, c'est la libido du moi, pour ensuite se tourner vers l'autre et devenir une libido d'objet. La libido homosexuelle serait "une variation de la fonction sexuelle provoquée par un arrêt du développement sexuel", c'est-à-dire que l'homosexualité reste encore fortement imprégnée de libido du moi. Freud élabore plusieurs théories de l'homosexualité, dont la plus connue postule que l'homosexualité résulte de la non résolution du complexe d'Œdipe, éventuellement due à un manque de modèle identificatoire masculin (exemple : père distant et mère surprotectrice). L'enfant désire la Mère, mais craint le Père, et reste dans ce désir. L'interdit rendant ce désir impossible, il renonce au sexe opposé et se tourne vers on propre sexe. Autre possibilité : du fait de cette fixation sur la mère, il s'identifie à elle et adopte ses désirs pour le sexe masculin. Enfin, troisième éventualité envisagée par Freud, l'enfant surprotégé développe une peur de l'autre sexe et se tourne vers les hommes par sécurité. Ceci toutefois n'a rien d'une explication miracle. En effet, si l'homosexualité est déterminée par le facteur familial, comment expliquer que deux frères n'aient pas nécessairement la même sexualité ?
Si Freud fonde l'homosexualité sur un manque (manque du père chez le petit garçon), il se garde bien de la stigmatiser comme une maladie. Dans une lettre de 1935 adressée à une mère dont le fils est homosexuel, il dit que "l'homosexualité n'est ni un vice, ni un avilissement, et on ne saurait la qualifier de maladie".

Mais d'autres théoriciens de la psychanalyse se sont fait un plaisir de reprendre l'idée d' "arrêt du développement sexuel" pour faire de l'homosexualité une psychopathologie, certes dangereuse, mais souvent curable, et en tout cas classifiable. Ainsi, l'honorable M. Kernberg, dans La personnalité narcissique (éditée aux éditions Dunod en 1997) dénombre trois types de "lésions narcissiques", souvent infligées à l'adolescence, qui peuvent rendre des gens très très biens homosexuels. Ses catégories recoupent parfois celles de Freud. Par exemple, il est question d'une homosexualité liée à l'identification à la mère. Pour information, les deux autres types d'homosexualité recensés sont :
-la soumission au père œdipien, et, de ce fait, le renoncement aux femmes
-le fait de projeter une image de soi magnifiée sur l'autre, que l'on aime en tant qu'extension de soi.
Soit. Mais ce qui fait grincer des dents et que l'homosexualité est nettement envisagée comme un mal plus ou moins curable, provenant obligatoirement de "lésions". Ainsi, la troisième cause d'homosexualité est "encore plus pathologique que les deux autres", et n'est pas curable, nous apprend M. Kernberg !
Or, d'autres études ont prouvé qu'il n'est pas nécessaire d'avoir la moindre lésion pour être homo. Evelyne Hooker, en 1958, a administré une batterie de tests psychologiques à deux échantillons d'hommes, homosexuels et hétérosexuels, puis en a envoyé les résultats mêlés à plusieurs experts. Ceux-ci devaient évaluer la santé mentale de chaque individu et déterminer s'il était homo ou hétérosexuel. Non seulement les experts s'avérèrent incapables d'établir leur sexualité à partir des tests, mais la santé mentale des individus des deux groupes était équivalente. Donc, être homosexuel n'a rien d'une pathologie !

Mais alors, si l'explication freudienne n'est pas exhaustive et que l'hypothèse de la pathologie est non fondée, comment devient-on homo ?

L'on a longtemps cherché, et plus activement depuis les années 1850, un facteur biologique (de préférence visible) à l'homosexualité. Naturellement, rien n'a été trouvé à ce jour…
En désespoir de cause, l'on s'est tourné vers le facteur hormonal. Les chercheurs ont été décontenancés lorsqu'ils ont découvert, en 1927, que l'on produisait tous des hormones masculines et féminines. La conclusion logique a été : l'homosexualité est un dérèglement hormonal. E bien non ! L'on a administré des hormones féminines à des hommes homosexuels, qui le sont restés. De même que les lesbiennes à qui l'on a administré le traitement inverse, d'ailleurs.
Enfin, depuis une quinzaine d'années, l'on creuse la possibilité d'une explication génétique. Ces études posent d'emblée un problème méthodologique : la génétique oblige à travailler sur des familles, ce qui peut interférer avec le facteur explicatif de la structure familiale. Ceci posé, l'on a pas encore trouvé de résultat concluant. Par exemple, l'on a prouvé que dans le cas de frères jumeaux, si l'un des deux frères est homosexuel, il y a 52% de chances qu'ils soient tous deux homos si ce sont de vrais jumeaux, contre 22% de chances si ce sont de faux jumeaux. Le facteur génétique serait alors déterminant ? Et bien non, car la même étude menée sur des femmes lesbiennes n'a rien donné. De plus, même en ce qui concerne les hommes, les études faites sont trop marginales pour être concluantes.
Quoi qu'il en soit, l'on aperçoit dès à présent le danger qu'il y aurait à trouver un facteur scientifique à l'homosexualité : outre les risques de discrimination, considérer l'homosexualité comme un fait donné contre lequel on ne peut rien est très réducteur, qui occulte une partie du problème. Et les facteurs familiaux, culturels ? Et les changements tardifs d'orientation ? Cependant, une des études sur l'innéité de l'homosexualité reste intéressante pour les pistes qu'elle ouvre. L'on a suivi deux groupes d'environ 40 garçons entre leurs sept et leurs quatorze ans. Dans l'un de ces groupes sont réunis les garçons dont l'entourage s'accorde à dire qu'ils ont des conduites plutôt "féminines" (par exemple, aimer jouer à la poupée), dans l'autre, d'autres garçons n'ayant pas ce trait. La moitié des garçons du premier groupe sont devenus homos, tandis que les enfants de l'autre groupe sont presque tous devenus hétéros. On peut donc penser qu'il y a une corrélation assez forte entre avoir des comportements sociaux dits "féminins" dans l'enfance, et devenir homosexuel. Cependant 50% de ces enfants sont devenus hétérosexuels. L'on a expliqué cela en mêlant psychanalyse et homosexualité innée : ces enfants ont des comportements féminins, ils sont donc le plus souvent avec des filles, et, surtout, sont rejetés par les autres garçons, et parfois même leur père. D'où la résolution imparfaite du conflit œdipien. Mais rien à ce jour n'explique pourquoi ces enfants préféraient certaines activités perçues comme féminines…

Ce dernier exemple nous montre à quel point sont imbriqués les facteurs sociaux (rejet de ces garçons par les autres), familiaux (rejet par le père), et des facteurs d'innéités… Ce qui est sûr, c'est que toutes civilisations confondues, sur les deux derniers siècles, l'homosexualité semble un phénomène continu puisque les pourcentages restent étonnamment stables : entre 2 et 4%. Pour finir, l'on peut soulever un autre problème, qui est la définition de l'homosexualité par rapport à des genres établis, que la notion du transgenre vient remettre en question.

Le mystère de digues dentaires

Chapitre premier

Le sexe des femmes


Faites une petite expérience facile et amusante (ou pas...) : interrogez vos amis, vos proches etc. Combien vous diront qu’ils sont des as de la prévention, qu’ils connaissent tous les moyens de se protéger et combien qui n’ont jamais entendu parler des digues?
Mais alors c’est quoi cette digue??????
C’est un carré, de latex pour les anciennes, de polyuréthane pour les nouvelles générations qui se pose sur la foufoune ou l’anus pour faire des petites délicatesses (cunni- ou anulingus): huummm...
Au départ les digues dentaires servaient aux dentistes (d’où leur nom) et étaient épaisses. Les nouvelles sont en polyuréthane (pratique pour les gens allergiques au latex!), plus fines, plus grandes, transparentes et conductrices de chaleur pour plus de plaisir des deux côtés: joie d’offrir, plaisir de recevoir!!
Autant dire que ces digues concernent tout le monde: tu as une foufoune? oui, tant mieux pour toi!! tu as un anus? ne pars pas, ces digues sont aussi pour toi!!!
Bref, en termes de pratiques sexuelles, beaucoup de personnes sont concernées par cette forme de protection. Elles protègent du sida, mais aussi d’autres Infections et Maladies sexuellement Transmissibles (champignons, papillomavirus...). En outre, elles présentent de nombreux avantages.
Tout d’abord, c’est quand même plus pratique que de découper un préservatif, et puis on n’a pas toujours des ciseaux dans son sac à main: «excuse-moi chériE je trouve plus mes ciseaux...».
Les digues se présentent dans des emballages individuels comme les préservatifs féminins et masculins, donc prêtes à l’emploi.
De plus, leur largeur et leur longueur permet toutes sortes de jeux (par exemple, vous qui mourrez d’envie mais n’avez jamais osé lécher la boîte à caca vous savez ce qu’il vous reste à faire...).
Alors quel est le problème me direz-vous?
Le problème est simple: avez-vous déjà entendu parler de ces digues? vous a-t-on déjà expliqué ou montré comment vous en servir? en avez-vous déjà utilisé? en avez-vous seulement vu?... Je parie que, pour la majorité d’entre vous, la réponse est non.
Et vous savez quoi ?! Même les pharmaciens dans ma ville ne savent pas ce que c’est!! Bon je sais j’habite dans la jungle, le 94 c’est pas encore très civilisé...
Faites l’expérience avec les pharmacies de votre ville. Je commence à me dire que, vraiment, le plaisir des femmes est nié; je ne vous parle pas de l’anulingus...
Après des recherches sur internet, j’en ai trouvé en vente sur des sites de prévention; j’ai également trouvé des adresses pour s’en procurer à Paris: direction la pharmacie du village dans le marais avec ma copine. On entre, un mur de préservatifs masculins sur une étagère, d’autres gratuits dans un panier, mais, non, pas de digues.
-Bonjour madame la pharmacienne, auriez-vous des digues dentaires?
-Des quoi??
-Des digues dentaires.
-Ah oui... Elle fouille dans un tiroir caché rempli de digues, elle cherche le prix pendant deux minutes. Bref, ils ne doivent pas en vendre souvent... Et puis à deux euros l’unité il faut vraiment avoir envie ou besoin (si si ça peut arriver!!) d’en acheter.
Prochaine étape de mon périple à la recherche de la digue inconnue: contacter un fabricant de digues. Je tombe alors sur la personne la mieux informée depuis le début de cette aventure et qui confirme mes soupçons. Personne ne demande de digues parce que personne ne sait que ça existe.
Pourtant tout cela n’est qu’une question d’information, me direz-vous, il a fallu du temps pour imposer le préservatif masculin.
En fait le problème est plus profond. On évoque toujours la prévention en termes masculins: capotons le phallus. Quand on dit «protégez-vous», combien pensent par exemple au fémidon? On ne parle que de fellation ou de pénétration; pour le cunnilingus, vous pouvez repasser plus tard on est occupé là... Mais, au cas vous l’auriez oublié, on peut choper des tas de trucs en faisant ou en se faisant faire un cunni...
L’entreprise que j’ai contactée travaille essentiellement avec des associations (surtout gays et lesbiennes), mais il n’y a quasiment aucune demande. Cette société a mis plusieurs années à écouler un stock de 20 000 digues alors que 130 millions de préservatifs masculins circulent par an en France!! Et bien sûr cette situation est mondiale: il n’y a pas de marché pour les digues. Ce qui en explique le coût relativement élevé. Pour cette entreprise fabriquer des digues c’est plutôt rendre service que faire des affaires. Même les personnes qui font de la prévention ou les professionnels comme les gynécologues n’en parlent pas. Plus personne n’est choqué par un manège à bites, un sexe en érection (godemiché ou autre) comme support de prévention, par contre la représentation d’un vagin même dans un salon professionnel, notamment à l’attention des gynéco, reste tabou: les femmes détournent la tête de la représentation de leur propre sexe. Une photo porno avec une femme en porte-jarretelles (c’est-à-dire une femme pour l’homme) est encore plus acceptable que quelque chose de pro qui parlerait du plaisir des femmes.
Et le problème est bien là avec les digues: préservatif masculin = plaisir masculin; à la rigueur, fémidon = pénétration = plaisir masculin (mais c’est pas encore gagné...). Mais digue = plaisir féminin. Plaisir quoi????!!... Et ne croyez pas que je suis une goudou féministe énervée et frustrée. Ca saute juste aux yeux: les femmes n’ont pas de sexe.
La politique de cette entreprise de fabrication et de distribution est claire: en ce qui concerne les digues, toute une éducation est à faire; nous vivons dans une société de mecs. Mais cette éducation nous concerne touTEs; elle ne doit pas avoir pour cible en priorité les gays et les lesbiennes: il n’est pas ici question d’«identités sexuelles» mais bien de pratiques sexuelles; ne me faites pas croire qu’il n’y a que les gays et les lesbiennes qui pratiquent anu- et cunnilingus!!
Eh les filles!! votre sexe, on s’en fout; votre plaisir, on s’en bat les couilles.
Et vous tous, votre anus, vous savez où vous pouvez vous le mettre...
Mais c’est à nous de faire bouger les choses, d’aller demander des digues à nos pharmaciens, de parler autour de nous du plaisir safe... Il faut aussi comprendre que la digue ça peut aussi être le plaisir de celui qui lèche: filles et garçons sont concernéEs par cette forme de prévention.
Où se procurer des digues?
A la pharmacie du village (26, rue du temple) mais c’est quand même deux euros l’unité. Normalement, on peut en trouver gratos à la vanille au CRIPS (33, avenue du maine, tour maine-montparnasse, 12ème étage) et à la galerie d’art et de prévention Au-dessous du volcan (8, rue sainte croix de la bretonnerie).
Il y a également des sites qui en vendent sur internet (tapez digue dentaire sur google par exemple).
N’oubliez pas non plus les autres moyens de prévention: préservatif masculin ou féminin (fémidon) pour la pénétration, capote + gel lubrifiant à base d’eau pour la sodomie, gants en latex pour les pénétrations de la main, capote pour la fellation (même s’il n’y a pas éjaculation!!!), film alimentaire pour le corps.

Essayez la digue, parlez-en. Soyez acteur de la prévention à votre niveau. Plus besoin de faire confiance, plus besoin d’être monogame à tout prix, plus besoin de se refuser certaines pratiques qui nous attirent, plus besoin de sélectionner les partenaires...
Pour connaître votre statut sérologique, il existe des centres de dépistage anonymes et gratuits. Si vous avez pris un risque, rendez-vous aux urgences dans les 48 h et exigez un traitement prophylactique post-exposition.

N’oubliez pas que des associations sont à votre disposition. Du matériel de prévention est disponible au local d’Etudions Gayment (bâtiment G, local 208). Rejoignez-nous pour notre journée Paris X contre le sida! une fois par an sur le campus de Nanterre: stands associatifs, films, débats, matériel de prévention...

Dans le prochain MEG je vous tiendrai au courant de mes pérégrinations au pays du polyuréthane.