mercredi, mars 01, 2006

Le mystère de digues dentaires

Chapitre premier

Le sexe des femmes


Faites une petite expérience facile et amusante (ou pas...) : interrogez vos amis, vos proches etc. Combien vous diront qu’ils sont des as de la prévention, qu’ils connaissent tous les moyens de se protéger et combien qui n’ont jamais entendu parler des digues?
Mais alors c’est quoi cette digue??????
C’est un carré, de latex pour les anciennes, de polyuréthane pour les nouvelles générations qui se pose sur la foufoune ou l’anus pour faire des petites délicatesses (cunni- ou anulingus): huummm...
Au départ les digues dentaires servaient aux dentistes (d’où leur nom) et étaient épaisses. Les nouvelles sont en polyuréthane (pratique pour les gens allergiques au latex!), plus fines, plus grandes, transparentes et conductrices de chaleur pour plus de plaisir des deux côtés: joie d’offrir, plaisir de recevoir!!
Autant dire que ces digues concernent tout le monde: tu as une foufoune? oui, tant mieux pour toi!! tu as un anus? ne pars pas, ces digues sont aussi pour toi!!!
Bref, en termes de pratiques sexuelles, beaucoup de personnes sont concernées par cette forme de protection. Elles protègent du sida, mais aussi d’autres Infections et Maladies sexuellement Transmissibles (champignons, papillomavirus...). En outre, elles présentent de nombreux avantages.
Tout d’abord, c’est quand même plus pratique que de découper un préservatif, et puis on n’a pas toujours des ciseaux dans son sac à main: «excuse-moi chériE je trouve plus mes ciseaux...».
Les digues se présentent dans des emballages individuels comme les préservatifs féminins et masculins, donc prêtes à l’emploi.
De plus, leur largeur et leur longueur permet toutes sortes de jeux (par exemple, vous qui mourrez d’envie mais n’avez jamais osé lécher la boîte à caca vous savez ce qu’il vous reste à faire...).
Alors quel est le problème me direz-vous?
Le problème est simple: avez-vous déjà entendu parler de ces digues? vous a-t-on déjà expliqué ou montré comment vous en servir? en avez-vous déjà utilisé? en avez-vous seulement vu?... Je parie que, pour la majorité d’entre vous, la réponse est non.
Et vous savez quoi ?! Même les pharmaciens dans ma ville ne savent pas ce que c’est!! Bon je sais j’habite dans la jungle, le 94 c’est pas encore très civilisé...
Faites l’expérience avec les pharmacies de votre ville. Je commence à me dire que, vraiment, le plaisir des femmes est nié; je ne vous parle pas de l’anulingus...
Après des recherches sur internet, j’en ai trouvé en vente sur des sites de prévention; j’ai également trouvé des adresses pour s’en procurer à Paris: direction la pharmacie du village dans le marais avec ma copine. On entre, un mur de préservatifs masculins sur une étagère, d’autres gratuits dans un panier, mais, non, pas de digues.
-Bonjour madame la pharmacienne, auriez-vous des digues dentaires?
-Des quoi??
-Des digues dentaires.
-Ah oui... Elle fouille dans un tiroir caché rempli de digues, elle cherche le prix pendant deux minutes. Bref, ils ne doivent pas en vendre souvent... Et puis à deux euros l’unité il faut vraiment avoir envie ou besoin (si si ça peut arriver!!) d’en acheter.
Prochaine étape de mon périple à la recherche de la digue inconnue: contacter un fabricant de digues. Je tombe alors sur la personne la mieux informée depuis le début de cette aventure et qui confirme mes soupçons. Personne ne demande de digues parce que personne ne sait que ça existe.
Pourtant tout cela n’est qu’une question d’information, me direz-vous, il a fallu du temps pour imposer le préservatif masculin.
En fait le problème est plus profond. On évoque toujours la prévention en termes masculins: capotons le phallus. Quand on dit «protégez-vous», combien pensent par exemple au fémidon? On ne parle que de fellation ou de pénétration; pour le cunnilingus, vous pouvez repasser plus tard on est occupé là... Mais, au cas vous l’auriez oublié, on peut choper des tas de trucs en faisant ou en se faisant faire un cunni...
L’entreprise que j’ai contactée travaille essentiellement avec des associations (surtout gays et lesbiennes), mais il n’y a quasiment aucune demande. Cette société a mis plusieurs années à écouler un stock de 20 000 digues alors que 130 millions de préservatifs masculins circulent par an en France!! Et bien sûr cette situation est mondiale: il n’y a pas de marché pour les digues. Ce qui en explique le coût relativement élevé. Pour cette entreprise fabriquer des digues c’est plutôt rendre service que faire des affaires. Même les personnes qui font de la prévention ou les professionnels comme les gynécologues n’en parlent pas. Plus personne n’est choqué par un manège à bites, un sexe en érection (godemiché ou autre) comme support de prévention, par contre la représentation d’un vagin même dans un salon professionnel, notamment à l’attention des gynéco, reste tabou: les femmes détournent la tête de la représentation de leur propre sexe. Une photo porno avec une femme en porte-jarretelles (c’est-à-dire une femme pour l’homme) est encore plus acceptable que quelque chose de pro qui parlerait du plaisir des femmes.
Et le problème est bien là avec les digues: préservatif masculin = plaisir masculin; à la rigueur, fémidon = pénétration = plaisir masculin (mais c’est pas encore gagné...). Mais digue = plaisir féminin. Plaisir quoi????!!... Et ne croyez pas que je suis une goudou féministe énervée et frustrée. Ca saute juste aux yeux: les femmes n’ont pas de sexe.
La politique de cette entreprise de fabrication et de distribution est claire: en ce qui concerne les digues, toute une éducation est à faire; nous vivons dans une société de mecs. Mais cette éducation nous concerne touTEs; elle ne doit pas avoir pour cible en priorité les gays et les lesbiennes: il n’est pas ici question d’«identités sexuelles» mais bien de pratiques sexuelles; ne me faites pas croire qu’il n’y a que les gays et les lesbiennes qui pratiquent anu- et cunnilingus!!
Eh les filles!! votre sexe, on s’en fout; votre plaisir, on s’en bat les couilles.
Et vous tous, votre anus, vous savez où vous pouvez vous le mettre...
Mais c’est à nous de faire bouger les choses, d’aller demander des digues à nos pharmaciens, de parler autour de nous du plaisir safe... Il faut aussi comprendre que la digue ça peut aussi être le plaisir de celui qui lèche: filles et garçons sont concernéEs par cette forme de prévention.
Où se procurer des digues?
A la pharmacie du village (26, rue du temple) mais c’est quand même deux euros l’unité. Normalement, on peut en trouver gratos à la vanille au CRIPS (33, avenue du maine, tour maine-montparnasse, 12ème étage) et à la galerie d’art et de prévention Au-dessous du volcan (8, rue sainte croix de la bretonnerie).
Il y a également des sites qui en vendent sur internet (tapez digue dentaire sur google par exemple).
N’oubliez pas non plus les autres moyens de prévention: préservatif masculin ou féminin (fémidon) pour la pénétration, capote + gel lubrifiant à base d’eau pour la sodomie, gants en latex pour les pénétrations de la main, capote pour la fellation (même s’il n’y a pas éjaculation!!!), film alimentaire pour le corps.

Essayez la digue, parlez-en. Soyez acteur de la prévention à votre niveau. Plus besoin de faire confiance, plus besoin d’être monogame à tout prix, plus besoin de se refuser certaines pratiques qui nous attirent, plus besoin de sélectionner les partenaires...
Pour connaître votre statut sérologique, il existe des centres de dépistage anonymes et gratuits. Si vous avez pris un risque, rendez-vous aux urgences dans les 48 h et exigez un traitement prophylactique post-exposition.

N’oubliez pas que des associations sont à votre disposition. Du matériel de prévention est disponible au local d’Etudions Gayment (bâtiment G, local 208). Rejoignez-nous pour notre journée Paris X contre le sida! une fois par an sur le campus de Nanterre: stands associatifs, films, débats, matériel de prévention...

Dans le prochain MEG je vous tiendrai au courant de mes pérégrinations au pays du polyuréthane.

1 commentaire:

delf a dit…

Oui très bien tout ça, mais franchement quel plaisir peut-on avoir à baiser tout couvert de latex ou autre plastique!? J'affirme pour avoir essayé la digue que le plaisir n'est ni présent pour celle qui lèche ni pour celle qui est léchée! Parlons clairement, dans un cunni l'aspect mouillé de la chose à son importance! C'est un vrai dilemme au niveau de la protection et je suis parfaitement consciente qu'il est nécessaire de se protéger, mais à tout "stériliser" on perd beaucoup de désir et plaisir...!